Odile et Jacques

Odile et Jacques
Odile et Jacques

mardi 29 mars 2016

Du mercredi 17 février au jeudi 25 février 2016 : ILHA FERNANDO DE NORONHA – ILHA MARAJO (SOURE) (1080M)

J1 : Mercredi 17 février
Une grosse averse hier après-midi et un orage avec des trombes d’eau hier soir, la saison des pluies s’annonce... Ce matin, il fait meilleur.
La préparation du bateau demande quelques heures, il faut vider le coffre pour ranger la passerelle et l’annexe, remplir le groupe électrogène d’essence car il nous servira de secours quand l’hydrogénérateur et les panneaux solaires ne suffiront pas à pallier l’absence d’alternateur... En attendant, on a coupé le conservateur et on économise l’ordinateur.
Route vers l’Ouest en direction de l’ilha dos Lençois sur la côte Nord du Brésil ; on naviguera à une bonne distance de la côte pour profiter du courant Nord-Équatorial ; au moins six jours de navigation à deux (quarts de 3 heures, jour et nuit), pour nous c’est une première !
Bon vent au départ (force 3 à 4, grand largue, mer belle), on avance bien, l’allure est assez confortable ; Jacques a quelques velléités de mettre le spi, mais le vent tourne un peu.
En début d’après-midi, un grain nous rattrape (force 7 à 8), on prend deux ris qu’on enlève deux heures plus tard.
Beau coucher de soleil
Le soir, le vent tombe, moteur pendant la nuit, la voile bat ; l’air est doux, on repère des grains au radar qui se résorbent avant notre passage et on voit quelques éclairs sur la côte.
On ne croise personne, hormis quelques pêcheurs au lamparo.

Bilan J1 
Position : 3°13’57 S ; 34°18’74 W.
Route : 117M, il reste 662M à parcourir.
Moteur : 8H
Bilan énergétique équilibré.
Pêche : rien

J2 : Jeudi 18 février
Soleil et petit vent ce matin (grand largue, force 3) ; premier grain à l’heure du petit-déjeuner (force 6, un ris) qui nous amène un peu de vent.
On dépasse Natal.
En milieu d’après-midi, il fait très lourd, le temps est nuageux ; nouveau grain, on prend deux ris. On avance bien (grand largue, force 5 devenant 4), il fait déjà nuit.
Ces grains ne durent pas longtemps, mais arrivent très vite ; on décide de garder nos ris pour la nuit.
Pétole et grains, arrive-t’on dans le pot au noir, ou est-ce la saison des pluies, qu’on avait évitée jusqu’à maintenant et qui nous rattrape ?
Nuit nuageuse et noire, quelques gouttes de pluie et un peu moins de vent aussi ; un oiseau noir s’est installé sur notre capote ! Il s’envole quand on enlève les ris au petit matin.

Bilan J2 
Position : 2°24’62 S ; 36°09’81 W.
Route : 122M, il en reste 540, on a fait le tiers de la route.
Pas de moteur.
Bilan énergétique équilibré.
Pêche : rien

J3 : Vendredi 19 février
Nuages, soleil blafard et petit temps (grand largue,force 3-4-3, mer peu agitée) ; on se met vent arrière pour se rapprocher de notre route et éviter une large zone pluvieuse.
On se traîne toute la journée ; des grains en vue qui nous évitent.
Cette fois-ci, on est cernés, impossible d’y échapper ; le problème, c’est que pour prendre un ris, il faut se mettre au près, donc se jeter dans la gueule du loup !
On se prend trois grains (force 6, un ris, mer peu agitée) avec de la pluie, qui chacun nous procure une heure de vent ; on avance, pas exactement dans la bonne direction car on évite le vent arrière, mais on avance !
Vers 23 heures, on essuie un grain plus sérieux (force 8 à 9, un ris, on enroule le génois en catastrophe), la pluie et la mer blanche d’écume se confondent ; Jacques prend la barre et fait route un moment vers le Sud, pour s’en échapper ; enfin, le vent faiblit, on reprend notre route mais on est à nouveau trempés !
Accalmie de minuit à 5 heures du matin qui nous permet de dormir chacun quelques heures ; on croise deux cargos.
Des poissons volants ont atterri sur le pont ; des dauphins viennent nous dire bonjour, on est contents de les voir !

Bilan J3 
Position : 1°53’17 S ; 28°00’10 W.
Route : 110M efficaces car on a beaucoup zigzagué ! Il reste 430M avant Lençois.
Pas de moteur.
Bilan énergétique équilibré.
Pêche : rien, les poissons ne mordent pas ; il faut dire qu’on remonte les traînes avant de prendre des ris.

J4 : Samedi 20 février
Temps nuageux mais le vent s’est calmé, on avance assez bien sous grand-voile seule ; on déroulera le génois plus tard car les écoutes se sont emmêlées à l’avant (grand largue, force 4, houle croisée).
On prend la météo de bonne heure afin de prévoir la stratégie de la journée.
Message de Cécile qui nous donne l’adresse de Julie en Guyane, on lui fera livrer l’alternateur.
Journée relativement tranquille (vent arrière, force 4), le pilote se débrouille bien ; on fait sécher notre linge et on se repose. On passe à la hauteur de Fortalezza.
Avant la nuit, on prend un deuxième ris et on se met grand largue (force 5, mer peu agitée).
La lune nous accompagne, le ciel est clair, pas de grain en vue, le vent baisse.
La nuit est tranquille, on organise un transport d’oiseaux : le premier vient se poser sur le moteur d’annexe, les autres s’installent sur la bôme et sur le bimini ; l’inconvénient, c’est qu’ils laissent des traces...
On croise plusieurs cargos, de loin.
Le matin, un train de petits grains nous rattrape...

Bilan J4 
Position : 1°29’12 S ; 40°16’34 W.
Route : 139M, il reste 291M pour Lençois.
Pas de moteur.
Bilan énergétique équilibré.
Pêche : rien, on désespère...

J5 : Dimanche 21 février
Temps nuageux, le vent baisse après les grains (grand largue, force 4, mer peu agitée).
Journée sans histoire, on alterne des bords de grand largue et du vent arrière, le vent varie de 3 à 5, le soleil se montre un peu ; on avance bien.
On se pose la question de s’arrêter ou pas à Lençois ; on décidera demain en fonction des prévisions météo pour le vent, la pluie et la houle.
Un peu de groupe électrogène pour combler le déficit qu’on avait en partant ; on en profite pour utiliser l’ordinateur et dessaler de l’eau.
Avant la nuit, on reprend le deuxième ris, puis on enroule le génois en raison de la houle (vent arrière, force 5), on marche quand même à 6,5 nœuds.
Dauphins au clair de lune.

Bilan J5 
Position : 0°56’28 S ; 42°46’51 W.
Route : 156M, il reste 135M pour Lençois, environ 410M pour Soure.
Pas de moteur.
Bilan énergétique légèrement favorable.
Pêche : toujours rien, mais on a perdu un hameçon...

J6 : Lundi 22 février
Mini-grain de bon matin, mais le soleil revient ; toujours du vent et de la houle (force 5 à 6, mer peu agitée à agitée), on trace sous grand voile avec deux ris, les batteries sont chargées à fond !
Le mouillage de Lençois n’est pas facile d’accès et n’est pas protégé, on décide d’aller directement à Soure, près de Belém ; pour cela il faut piquer au large du récif Manoel Luis afin d’éviter la houle sur les hauts-fonds, le bateau marche bien.
La tige qui maintient l’hydrogénérateur dans l’eau menace de partir ; on arrête le bateau en remontant au vent pour la remettre en place.
On dépasse la ville de Sao Luis, puis Lençois où les immenses dunes de sable sont sculptées par les alizés.
En suivant la ligne des 200 mètres, limite du plateau continental, on franchit l’équateur, Jacques coupe le GPS pour que Neptune ne s’en aperçoive pas, car on n’a pas assez de champagne à lui donner ! C’est vrai qu’ici, c’est Yemanja qui sévit, mais on ne connait pas bien ses habitudes ; la coquette préférerait des fleurs et du parfum.
Les grains se succèdent toute la nuit, il s‘agit plutôt d’une large zone pluvieuse avec des grains en plus ; pas énormément de vent (4 à 5, avec 6 sous les grains), on enroule et déroule le génois à la demande, en restant au sec sous la capote.

Bilan J6 
Position : 00°38’67 N ; 45°24’24 W.
Route : 170M, 7 nœuds de moyenne ! Il reste environ 240M pour Soure, 211 en route directe.
Pas de moteur.
Bilan énergétique positif (soleil la journée, et vent jour et nuit).
Pêche : un poisson a mordu et s’en est allé... 

J7 : Mardi 23 février
Le temps s’éclaircit ; bon vent (force 6), on avance bien ; on décide de piquer vers la balise d’entrée du rio Para pour essayer de l’atteindre demain matin à marée basse, à une moyenne de 7 nœuds ; mais le vent faiblit (force 4), la houle se creuse sur les hauts-fonds du plateau continental, le courant portant ne se fait plus sentir, on n’avance plus...
Alternance de vent arrière et de bords de grand largue, on se fait ballotter et le pilote travaille dur.
Soleil la journée, mais un gros grain en début de nuit.
Vers une heure du matin, moment de panique, car j’ai l’impression de m’arrêter ; autour de nous, des bateaux de pêche, des feux clignotants de filets dérivants, des cargos et un grain qui se prépare ; rien de méchant en fait, on avance encore...
Il faut veiller continuellement de visu, sur le traceur avec l’AIS et sur le radar, les batteries se déchargent.

Bilan J7
Position : 00°05’85 N ; 047°06’16 W.
Route : Il reste environ 50M pour arriver à l’entrée du chenal, et 50 autres miles sur le rio pour arriver à Soure.
Pas de moteur.
Bilan énergétique déficitaire.
Pêche : rien.

J8 : Mercredi 24 février
Trop tard pour aborder le rio Para, la balise d’entrée est encore à 50M ; il faut qu’on y soit demain à 6H du matin afin de remonter le rio de jour et lors de la marée montante.
Le problème d’aujourd’hui ne sera pas de faire avancer le bateau mais de le freiner !
Tout à coup, un grésillement particulier, le bateau s’arrête, cette fois-ci, on est bien pris dans un filet ; impossible de se dégager en marche arrière, le vent nous pousse dedans ; au bout d’une demi-heure, alors qu’on va attraper le filet pour le découper avec le couteau à pain, le bateau vire et se dégage petit à petit, ouf !!! Ces filets ne sont signalés que par un petit fanion ; désormais quand on en voit un, on fait demi-tour...
Jacques est inquiet pour l’hélice et décide de plonger pour y jeter un œil ; on attend un moment plus favorable, sans grain, avec moins de vent et moins de houle ; à midi, on se met à la cape pour freiner le bateau, Jacques se met à l’eau, c’est alors qu’il voit trois bébés requins ! Heureusement, tout se passe vite et bien, rien dans l’hélice, Jacques remonte avec tous ses orteils !
On n’avance pas, finalement, ce ne sera pas nécessaire de ralentir... Vent arrière et grand-largue (force 3 à 5), avec un courant de jusant contraire.

Un peu de groupe électrogène pour compenser les dépenses de la nuit dernière.








Pour nous réconforter de la journée, on pêche un magnifique thazard, 80 cm de long, 3 à 4 kilos !












On décide d’affaler la voile avant la nuit et de ne garder que le génois ; beaucoup de houle...
Nuit nuageuse et pluvieuse, courant de flot portant ; on navigue en prenant bien soin d’éviter les pêcheurs et on barre au maximum pour économiser l’énergie ; on est trempés...
A 4M de la balise, on fait des bords carrés pour ne pas aller trop vite, avant de piquer vers la balise ; panique, ce qu’on croyait être la balise est un bateau de pêche, de plus, un cargo nous fonce dessus ; appel à la VHF du cargo qui se déroute et demi-tour pour éviter les hauts-fonds ; la balise, on ne la trouvera jamais, elle a dû couler !

Bilan J8 
Position : balise d’entrée du rio Para.
Route : 50M
Pas de moteur.
Bilan énergétique déficitaire.
Pêche : un beau thazard !

J9 : jeudi 25 février
A 6H30, le jour se lève, on se met en route sous génois et moteur pour remonter le rio Para (ou rio Tocantins) qui forme l’un des bras du delta amazonien ; groupe électrogène pour recharger les batteries.
Au même moment, une barre nuageuse noire s’avance vers nous, on ralentit mais on ne peut éviter le grain (force 7, mer agitée) ; le vent faiblit mais il pleut toujours, la visibilité est mauvaise, on ne voit pas non plus les balises suivantes.
L’entrée du rio est très large, 30M, on n’aperçoit pas les côtes ; on navigue entre les bancs de sable bien cartographiés, sans difficulté particulière ; un cargo nous suit puis nous dépasse.
La marée montante nous porte, on va à 8-9 nœuds avec le génois et le moteur à 1 500 tours ; l’hélice vibre un peu, à vérifier ; Jacques essaiera de plonger à Soure mais les eaux sont trop boueuses pour voir quelque chose...
On va moins vite en arrivant à Soure, la renverse est proche ; on bifurque vers le rio Paracauari sur l’île de Marajo pour trouver le mouillage de Soure ; beaucoup de bateaux de pêche, on tourne longtemps avant de mouiller par 15 mètres en milieu d’après-midi ; mouillage à surveiller, surtout à la renverse, car la vase est molle et le courant important. 







Mouillage de Soure










Monique et Patrick viennent à bord avec des infos sur les formalités de sortie à faire à Belém ; moqueça de thazard et nuit bien méritée malgré l’alarme de Jacques qui persiste à sonner toutes les vingt minutes !

Bilan J9
Arrivée à Soure.
Route : 50M
Moteur : 8H30
Bilan énergétique correct.
Pas de pêche !

Le bilan de cette grande traversée du Nordeste brésilien en solitaires est positif malgré l’absence d’alternateur, une météo particulièrement pénible et les déboires des derniers jours ; on a réussi à gérer le quotidien, à faire face aux difficultés et, hormis la dernière nuit, à se reposer correctement à tour de rôle. Malgré tout, on n’est pas prêts à recommencer !
Dans ces moments-là, c’est génial de pouvoir communiquer par skyfile et de sentir soutenus !  

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