J1 : Mercredi 17 février
Une grosse
averse hier après-midi et un orage avec des trombes d’eau hier soir, la saison
des pluies s’annonce... Ce matin, il fait meilleur.
La préparation
du bateau demande quelques heures, il faut vider le coffre pour ranger la
passerelle et l’annexe, remplir le groupe électrogène d’essence car il nous
servira de secours quand l’hydrogénérateur et les panneaux solaires ne
suffiront pas à pallier l’absence d’alternateur... En attendant, on a coupé
le conservateur et on économise l’ordinateur.
Route vers
l’Ouest en direction de l’ilha dos Lençois sur la côte Nord du Brésil ; on
naviguera à une bonne distance de la côte pour profiter du courant Nord-Équatorial ; au moins six jours de navigation à deux (quarts de 3 heures,
jour et nuit), pour nous c’est une première !
Bon vent au
départ (force 3 à 4, grand largue, mer belle), on avance bien, l’allure est
assez confortable ; Jacques a quelques velléités de mettre le spi, mais le
vent tourne un peu.
En début
d’après-midi, un grain nous rattrape (force 7 à 8), on prend deux ris qu’on enlève
deux heures plus tard.
Beau coucher
de soleil
Le soir, le
vent tombe, moteur pendant la nuit, la voile bat ; l’air est doux, on
repère des grains au radar qui se résorbent avant notre passage et on voit quelques
éclairs sur la côte.
On ne croise
personne, hormis quelques pêcheurs au lamparo.
Bilan
J1
Position :
3°13’57 S ; 34°18’74 W.
Route :
117M, il reste 662M à parcourir.
Moteur :
8H
Bilan
énergétique équilibré.
Pêche :
rien
J2 : Jeudi 18 février
Soleil et
petit vent ce matin (grand largue, force 3) ; premier grain à l’heure du
petit-déjeuner (force 6, un ris) qui nous amène un peu de vent.
On dépasse
Natal.
En milieu
d’après-midi, il fait très lourd, le temps est nuageux ; nouveau grain, on
prend deux ris. On avance bien (grand largue, force 5 devenant 4), il fait déjà
nuit.
Ces grains ne
durent pas longtemps, mais arrivent très vite ; on décide de garder nos
ris pour la nuit.
Pétole et
grains, arrive-t’on dans le pot au noir, ou est-ce la saison des pluies, qu’on
avait évitée jusqu’à maintenant et qui nous rattrape ?
Nuit nuageuse
et noire, quelques gouttes de pluie et un peu moins de vent aussi ;
un oiseau noir s’est installé sur notre capote ! Il s’envole quand on
enlève les ris au petit matin.
Bilan
J2
Position :
2°24’62 S ; 36°09’81 W.
Route : 122M,
il en reste 540, on a fait le tiers de la route.
Pas de
moteur.
Bilan énergétique
équilibré.
Pêche :
rien
J3 : Vendredi 19 février
Nuages, soleil
blafard et petit temps (grand largue,force 3-4-3, mer peu agitée) ; on se
met vent arrière pour se rapprocher de notre route et éviter une large zone
pluvieuse.
On se traîne
toute la journée ; des grains en vue qui nous évitent.
Cette
fois-ci, on est cernés, impossible d’y échapper ; le problème, c’est que
pour prendre un ris, il faut se mettre au près, donc se jeter dans la gueule du
loup !
On se prend
trois grains (force 6, un ris, mer peu agitée) avec de la pluie, qui chacun
nous procure une heure de vent ; on avance, pas exactement dans la bonne
direction car on évite le vent arrière, mais on avance !
Vers 23
heures, on essuie un grain plus sérieux (force 8 à 9, un ris, on enroule le
génois en catastrophe), la pluie et la mer blanche d’écume se confondent ;
Jacques prend la barre et fait route un moment vers le Sud, pour s’en
échapper ; enfin, le vent faiblit, on reprend notre route mais on est à
nouveau trempés !
Accalmie de
minuit à 5 heures du matin qui nous permet de dormir chacun quelques
heures ; on croise deux cargos.
Des poissons
volants ont atterri sur le pont ; des dauphins viennent nous dire bonjour,
on est contents de les voir !
Bilan
J3
Position :
1°53’17 S ; 28°00’10 W.
Route :
110M efficaces car on a beaucoup zigzagué ! Il reste 430M avant Lençois.
Pas de moteur.
Bilan
énergétique équilibré.
Pêche :
rien, les poissons ne mordent pas ; il faut dire qu’on remonte les traînes
avant de prendre des ris.
J4 : Samedi 20 février
Temps nuageux mais le vent s’est calmé, on avance assez bien
sous grand-voile seule ; on déroulera le génois plus tard car les écoutes
se sont emmêlées à l’avant (grand largue, force 4, houle croisée).
On prend la météo de bonne heure afin de prévoir la
stratégie de la journée.
Message de Cécile qui nous donne l’adresse de Julie en
Guyane, on lui fera livrer l’alternateur.
Journée relativement tranquille (vent arrière, force 4), le
pilote se débrouille bien ; on fait sécher notre linge et on se repose. On
passe à la hauteur de Fortalezza.
Avant la nuit, on prend un deuxième ris et on se met
grand largue (force 5, mer peu agitée).
La lune nous accompagne, le ciel est clair, pas de grain en
vue, le vent baisse.
La nuit est tranquille, on organise un transport d’oiseaux :
le premier vient se poser sur le moteur d’annexe, les autres s’installent sur
la bôme et sur le bimini ; l’inconvénient, c’est qu’ils laissent des
traces...
On croise plusieurs cargos, de loin.
Le matin, un train de petits grains nous rattrape...
Bilan J4
Position : 1°29’12 S ; 40°16’34 W.
Route : 139M, il reste 291M pour Lençois.
Pas de moteur.
Bilan énergétique équilibré.
Pêche : rien, on désespère...
J5 :
Dimanche 21 février
Temps nuageux, le vent baisse après les grains
(grand largue, force 4, mer peu agitée).
Journée sans histoire, on alterne des bords de grand largue
et du vent arrière, le vent varie de 3 à 5, le soleil se montre un peu ;
on avance bien.
On se pose la question de s’arrêter ou pas à Lençois ;
on décidera demain en fonction des prévisions météo pour le vent, la pluie et
la houle.
Un peu de groupe électrogène pour combler le déficit qu’on
avait en partant ; on en profite pour utiliser l’ordinateur et dessaler de
l’eau.
Avant la nuit, on reprend le deuxième ris, puis on enroule
le génois en raison de la houle (vent arrière, force 5), on marche quand
même à 6,5 nœuds.
Dauphins au clair de lune.
Bilan J5
Position : 0°56’28 S ; 42°46’51 W.
Route : 156M, il reste 135M pour Lençois, environ 410M
pour Soure.
Pas de moteur.
Bilan énergétique légèrement favorable.
Pêche : toujours rien, mais on a perdu un hameçon...
J6 :
Lundi 22 février
Mini-grain de bon matin, mais le soleil revient ;
toujours du vent et de la houle (force 5 à 6, mer peu agitée à agitée), on
trace sous grand voile avec deux ris, les batteries sont chargées à fond !
Le mouillage de Lençois n’est pas facile d’accès et n’est
pas protégé, on décide d’aller directement à Soure, près de Belém ; pour cela
il faut piquer au large du récif Manoel Luis afin d’éviter la houle sur les
hauts-fonds, le bateau marche bien.
La tige qui maintient l’hydrogénérateur dans l’eau menace de
partir ; on arrête le bateau en remontant au vent pour la remettre en
place.
On dépasse la ville de Sao Luis, puis Lençois où les
immenses dunes de sable sont sculptées par les alizés.
En suivant la ligne des 200 mètres, limite du plateau
continental, on franchit l’équateur, Jacques coupe le GPS pour que Neptune ne
s’en aperçoive pas, car on n’a pas assez de champagne à lui donner ! C’est
vrai qu’ici, c’est Yemanja qui sévit, mais on ne connait pas bien ses habitudes ;
la coquette préférerait des fleurs et du parfum.
Les grains se succèdent toute la nuit,
il s‘agit plutôt d’une large zone pluvieuse avec des grains en plus ; pas
énormément de vent (4 à 5, avec 6 sous les grains), on enroule et déroule le
génois à la demande, en restant au sec sous la capote.
Bilan J6
Position : 00°38’67 N ;
45°24’24 W.
Route : 170M, 7 nœuds de
moyenne ! Il reste environ 240M pour Soure, 211 en route directe.
Pas de moteur.
Bilan énergétique positif (soleil la
journée, et vent jour et nuit).
Pêche : un poisson a mordu et s’en
est allé...
J7 : Mardi 23 février
Le temps s’éclaircit ; bon vent (force
6), on avance bien ; on décide de piquer vers la balise d’entrée du rio
Para pour essayer de l’atteindre demain matin à marée basse, à une moyenne de 7 nœuds ; mais le vent faiblit (force 4), la houle se creuse sur les
hauts-fonds du plateau continental, le courant portant ne se fait plus sentir,
on n’avance plus...
Alternance de vent arrière et de bords
de grand largue, on se fait ballotter et le pilote travaille dur.
Soleil la journée, mais un gros grain
en début de nuit.
Vers une heure du matin, moment de
panique, car j’ai l’impression de m’arrêter ; autour de nous, des bateaux
de pêche, des feux clignotants de filets dérivants, des cargos et un grain qui
se prépare ; rien de méchant en fait, on avance encore...
Il faut veiller continuellement de
visu, sur le traceur avec l’AIS et sur le radar, les batteries se déchargent.
Bilan J7
Position : 00°05’85 N ;
047°06’16 W.
Route : Il reste environ 50M pour
arriver à l’entrée du chenal, et 50 autres miles sur le rio pour arriver à Soure.
Pas de moteur.
Bilan énergétique déficitaire.
Pêche : rien.
J8 : Mercredi 24 février
Trop tard pour aborder le rio Para, la balise d’entrée est encore à 50M ; il faut qu’on y soit demain à 6H du matin afin de remonter le rio de jour et lors de la marée
montante.
Le problème d’aujourd’hui ne sera pas
de faire avancer le bateau mais de le freiner !
Tout à coup, un grésillement
particulier, le bateau s’arrête, cette fois-ci, on est bien pris dans un
filet ; impossible de se dégager en marche arrière, le vent nous pousse
dedans ; au bout d’une demi-heure, alors qu’on va attraper le filet pour
le découper avec le couteau à pain, le bateau vire et se dégage petit à petit,
ouf !!! Ces filets ne sont signalés que par un petit fanion ;
désormais quand on en voit un, on fait demi-tour...
Jacques est inquiet pour l’hélice et
décide de plonger pour y jeter un œil ; on attend un moment plus
favorable, sans grain, avec moins de vent et moins de houle ; à midi, on
se met à la cape pour freiner le bateau, Jacques se met à l’eau, c’est alors
qu’il voit trois bébés requins ! Heureusement, tout se passe vite et bien,
rien dans l’hélice, Jacques remonte avec tous ses orteils !
On n’avance pas, finalement, ce ne sera
pas nécessaire de ralentir... Vent arrière et grand-largue (force 3 à 5), avec
un courant de jusant contraire.
Un peu de groupe électrogène pour
compenser les dépenses de la nuit dernière.
Pour nous réconforter de la journée, on pêche
un magnifique thazard, 80 cm de long, 3 à 4 kilos !
On décide d’affaler la voile avant la nuit
et de ne garder que le génois ; beaucoup de houle...
Nuit nuageuse et pluvieuse, courant de
flot portant ; on navigue en prenant bien soin d’éviter les pêcheurs et
on barre au maximum pour économiser l’énergie ; on est trempés...
A
4M de la balise, on fait des bords carrés pour ne pas aller trop vite, avant de
piquer vers la balise ; panique, ce qu’on croyait être la balise est un
bateau de pêche, de plus, un cargo nous fonce dessus ; appel à la VHF du
cargo qui se déroute et demi-tour pour éviter les hauts-fonds ; la
balise, on ne la trouvera jamais, elle a dû couler !
Bilan J8
Position : balise d’entrée du rio
Para.
Route : 50M
Pas de moteur.
Bilan énergétique déficitaire.
Pêche : un beau thazard !
J9 : jeudi 25 février
A 6H30, le jour se lève, on se met en
route sous génois et moteur pour remonter le rio Para (ou rio Tocantins) qui
forme l’un des bras du delta amazonien ; groupe électrogène pour recharger
les batteries.
Au même moment, une barre nuageuse
noire s’avance vers nous, on ralentit mais on ne peut éviter le grain (force 7,
mer agitée) ; le vent faiblit mais il pleut toujours, la visibilité est
mauvaise, on ne voit pas non plus les balises suivantes.
L’entrée du rio est très large, 30M, on
n’aperçoit pas les côtes ; on navigue entre les bancs de sable bien
cartographiés, sans difficulté particulière ; un cargo nous suit puis nous
dépasse.
La marée montante nous porte, on va à
8-9 nœuds avec le génois et le moteur à 1 500 tours ; l’hélice vibre un
peu, à vérifier ; Jacques essaiera de plonger à Soure mais les eaux sont
trop boueuses pour voir quelque chose...
On va moins vite en arrivant à Soure,
la renverse est proche ; on bifurque vers le rio Paracauari sur l’île de
Marajo pour trouver le mouillage de Soure ; beaucoup de bateaux de pêche,
on tourne longtemps avant de mouiller par 15 mètres en milieu
d’après-midi ; mouillage à surveiller, surtout à la renverse, car la vase
est molle et le courant important.
Mouillage de Soure
Monique et Patrick viennent à bord avec
des infos sur les formalités de sortie à faire à Belém ; moqueça de
thazard et nuit bien méritée malgré l’alarme de Jacques qui persiste à sonner
toutes les vingt minutes !
Bilan J9
Arrivée à Soure.
Route : 50M
Moteur : 8H30
Bilan énergétique correct.
Pas de pêche !
Le bilan de cette grande traversée du Nordeste brésilien en
solitaires est positif malgré
l’absence d’alternateur, une météo particulièrement pénible et les déboires des
derniers jours ; on a réussi à gérer le quotidien, à faire face aux
difficultés et, hormis la dernière nuit, à se reposer correctement à
tour de rôle. Malgré tout, on n’est pas prêts à recommencer !
Dans ces moments-là, c’est génial de
pouvoir communiquer par skyfile et de sentir soutenus !
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