La marina est assez isolée, à environ
10km du centre de Cayenne, on s’occupe de louer une voiture (Cayenne Location,
25 euros par jour) et d’acheter une clé 3G mais la connexion internet est
excessivement chère...
La priorité est de porter la facture de
l’alternateur à la poste afin de le dédouaner (on doit normalement payer
l’octroi de mer) ; on essaie aussi de le récupérer avant qu’il ne soit
envoyé à Julie, à l’autre bout de la Guyane !
Les routes ne sont pas très bonnes et les
pompes à essence sont rares, on se fait piéger entre Cayenne et Saint Laurent
car il n’y en a pas pendant 150km...
LE BAGNE
En 1850, Napoléon III décide de
déporter en Guyane les condamnés aux travaux forcés afin « d’assainir » les
prisons de Brest, Nantes et Toulon ; cette main-d’oeuvre bon marché devait
servir à coloniser le territoire, mais plus tard, il s’agira d’évincer de
métropole les criminels jugés irrécupérables.
On distingue :
-
les déportés : la déportation est la
peine infligée aux affiliés aux sociétés secrètes et aux opposants politiques ;
le capitaine Dreyfus est ainsi déporté à l’île du Diable ;
-
les transportés : la
transportation est une loi d’exécution des travaux forcés, sanctionnant les
crimes et délits les plus graves jugés en cour d’assises ;
-
les relégués sont les délinquants
récidivistes qui ont encouru plusieurs peines de prison en moins de dix ans ;
-
les libérés sont destinés à peupler et
à développer la Guyane, et surtout à exiler hors de France, les criminels et
délinquants qui ont été condamnés à huit ans ou plus de travaux forcés ;
les autres sont contraints de demeurer dans la colonie, un temps équivalent à
leur peine, c’est le doublage.
Entre 1852 et 1938, 54 000 transportés
et 17 000 relégués arrivent en Guyane, la plupart périssent de maladies ;
quelques-uns réussissent à s’évader par terre vers le Surinam ou par mer vers
Trinidad ou Tobago.
Les plus favorisés sont les
« garçons de famille » au service des surveillants de
l’administration pénitentiaire, les artisans, les artistes, les porte-clefs souvent
originaires d’Afrique du Nord ; l’enfer du bagne, ce sont les camps
forestiers et le chantier de la route coloniale entre Cayenne et Saint Laurent.
Pour le meurtre d’un gardien ou une
tentative d’évasion, le Tribunal maritime spécial peut prononcer la peine de
mort ; les « bois de justice » sont alors dressés dans la cour.
Décrivant ces conditions inhumaines de
détention, le journaliste Albert Londres va militer pour la fermeture du
bagne ; en 1938, le député guyanais Gaston Monnerville met fin à la
transportation.
Iles du Salut
Les îles du Salut, au large de Kourou,
sont occupées dès 1852.
L’île Royale sert à l’administration et
aux prisonniers de droit commun :
Maison du directeur, reconvertie
en musée
La chapelle, construite en
blocs de latérite
a été décorée par le bagnard
et faussaire Francis Lagrange, dit Flag ; avec humour, il a prêté au
pêcheur les traits de Seznec, autre bagnard célèbre.
L’hôpital militaire était
réservé au personnel du bagne ; un bagnard mécanicien faisait office de
gardien de phare.
Les surveillants vivaient
ici avec leur famille, et leurs enfants bénéficiaient d’une petite école.
Les cellules disciplinaires
étaient réservées aux récalcitrants et aux condamnés à mort ; il y avait
des cachots sombres, sans lumière, et des cachots clairs avec une petite
fenêtre.
Un chemin fait le tour de
l’île, à l’ombre des cocotiers ;
la piscine des bagnards était protégée
de la houle et des requins par un mur de pierres, une rare occasion de se
détendre et de se laver.
L’île du Diable est réservée aux
prisonniers politiques :
le capitaine Dreyfus résida
quatre ans dans cette maison, avec quelques gardiens qui avaient reçu l’ordre
de ne pas lui parler ;
lettre de Dreyfus à sa
femme.
L’île Saint Joseph abrite les cellules prévues
pour les récalcitrants :
les « incorrigibles »,
condamnés à la peine de réclusion cellulaire, étaient enchaînés dans
l’obscurité la plus totale et devaient garder le silence ; Paul Roussenq,
l’un d’entre eux, y resta enfermé dix ans !
Près de la plage, couverte de débris
de coquillages,
le cimetière des enfants des
surveillants ;
pour les condamnés,
mouillage et dépeçage.
Saint Laurent du Maroni
A Saint Laurent, sur le fleuve Maroni,
débarquaient deux fois par an, tous les bagnards venant de métropole ;
après une visite médicale, ils étaient répartis dans les différents camps de
Guyane.
Camp de la
Transportation :
cette maison a été réhabilitée pour les besoins du
film sur Guillaume Seznec ;
dans les cellules
disciplinaires, les condamnés dormaient sur une planche de bois, les deux
chevilles emprisonnées par une boucle métallique.
Le musée du camp de la transportation
est fort intéressant, rendu très vivant grâce aux nombreux témoignages, aux
photos et aux croquis de l’ancien bagnard Francis Lagrange :
corvées de tinettes,
une petite partie,
règlements de comptes qui se
terminent souvent mal...
Dans la région du Maroni, beaucoup de villages
amérindiens et noirs marrons, descendants d’esclaves qui se sont enfuis des
plantations.
Repas avec Julie, à la Goélette, un
endroit charmant au bord du Maroni.
CAYENNE
Cayenne, la capitale, est située sur
une île à l’embouchure du fleuve Cayenne ; selon la légende, le chef indien
Cépérou lui donna le nom de son fils qui brava une rivière tumultueuse afin de
rejoindre Belém, sa belle.
Au XVII°, la compagnie du Cap du Nord
s’installe sous le commandement de Poncet de Brétigny qui ordonne le massacre
des Amérindiens, avant d’être lui-même assassiné, boucané et mangé !
Au XIX° siècle, de nombreux esclaves
affranchis viennent s’y installer ; la ville s’enrichit lors de la découverte
de gisements d’or et se couvre de belles maisons créoles.
Cathédrale Saint Sauveur
Maison créole typique, à colombages ; les
deux portes encadrées de fenêtres donnent sur la rue, et le toit en tôle déborde
largement afin de protéger la maison du soleil et de la pluie ;
au-dessus des portes, les impostes, des aérations qui
permettent une meilleure ventilation ; à l’étage, un balcon de bois
ou de fer forgé.
Le Couvent des Jésuites est
devenu l’Hôtel du Gouverneur quand ceux-ci en ont été chassés ; les combles
sont alors aménagés pour faire sécher les voiles et les cordages des vaisseaux
du roi.
Promenade vers la place des Amandiers
en
bord de mer et retour place des Palmistes.
MARAIS DE KAW
Village de Cacao
Ce village est peuplé de Hmongs,
victimes de persécutions de la part du Pathet Lao, le régime communiste du Laos
; en 1977, la France leur attribue la terre de Cacao qu’ils vont cultiver,
produisant les fruits et légumes de la région.
Le dimanche, sur le marché,
les femmes vendent les broderies traditionnelles qui évoquent des scènes
quotidiennes ou historiques.
L’association du Planeur bleu anime un
musée sur les papillons et insectes de la région :
Morpho, beau papillon bleu
qui peut atteindre 12 à 20 centimètres ; on en a souvent rencontré lors
de nos promenades au bord de l’eau.
Le marais de Kaw
Les
marais de Kaw appartiennent à la réserve naturelle de Kaw Roura, située
à l’Est de Cayenne ; les savanes inondables recouvrent différents biotopes très
riches en espèces animales.
Nous y passons 24 heures
avec hébergement sur le lodge flottant de Jal Voyages.
Olivier, notre guide, amérindien et
petit-fils de chaman, connaît tout du marais ; il nous emmène en barque pour remonter
la rivière Kaw jusqu’à la crique Wapou.
Au lever du soleil,
de beaux paysages;
la savane inondée est bordée
de moucou moucou ;
dans la forêt, on trouve le
moutouchi ou bois pagaie,
et le bois wapa qui sert à
faire les poteaux ; ses fruits en demi-lune sont très décoratifs ;
les arbres servent de
support à de nombreuses plantes épiphytes, orchidées et bromélias;
la fleur cacao rivière
s’épanouit comme par magie, quand sa coque s’ouvre.
On voit de nombreux oiseaux :
le héron cocoï,
le lourd envol d’un canard
musqué,
les nids en chaussette
des caciques
jaunes ou rouges,
le jacana ou Jesus bird qui semble
marcher sur l’eau, la grande aigrette blanche, la moucherolle à tête blanche qui
construit des petits nids, l’oiseau alarme au ventre jaune, l’hoazim, un oiseau
ruminant avec une houppe, le martin-pêcheur, l’ani de palétuviers aux ailes
bleu métalliques, les urubus, ces charognards répugnants...
Après le repas, on fait une sortie de
nuit à la recherche des caïmans dont les yeux brillent à la lueur des
lampes :
soudain, Olivier nous
attrape ce jeune caïman à lunettes ;
adulte, il peut mesurer plus
de 2 mètres.
Autour du lodge, un caïman noir est un
habitué, il peut atteindre 6 mètres ; dans les herbes de la savane, un
anaconda prêt à bondir, on ne s’attarde pas...
On entend les crapauds buffles coasser
et au loin les singes hurleurs ; on voit quelques buffles venus de Marajo,
par contre les loutres, tortues Mata mata et cabiais ne sont pas au rendez-vous...
En
repartant, on visite la Maison de la réserve de Kaw :
vanneries amérindiennes,
l’éventail sert à attiser le feu, la couleuvre peut être étirée et sert à extraire le jus toxique du manioc ;
reproduction de la roche
gravée de la montagne Favard, motifs humains et serpents.
Au total, une très bonne
expérience !
CENTRE SPATIAL GUYANAIS
On a la chance d’assister au lancement Ariane VA 229 : le mercredi 9 mars à 2H20
du matin, Ariane 5 lance Eutelsat 65 West A ; ce satellite géostationnaire de
télécommunications desservira essentiellement le Brésil et l’Amérique latine,
notamment pour les retransmissions télévisées des J.O. de Rio en 2016. A 36 000
km de la terre, il l’accompagnera dans son mouvement en restant toujours
au-dessus du même point de l’équateur.
0 seconde : allumage de l’étage
principal,
7 secondes : allumage des
étages d’accélération à poudre et décollage (poster CNES, Arianespace),
au-dessus du ciel de
Kourou ;
27 minutes : à 700 kilomètres
d’altitude, au dessus de l’Afrique, Eutelsat se détache d’Ariane.
Mission réussie pour Ariane! Ce fut un
moment émouvant, vécu en direct...
Visite du Musée de l’Espace intéressante ;
le moteur d’Ariane 5 est un peu plus complexe que notre Volvo, mais il n’a pas
d’alternateur !
On aurait aimé visiter le Centre Spatial Guyanais, on n’en a pas
eu le temps...
Nous avons bien apprécié ce court séjour
en Guyane ; cette région française à la mauvaise réputation, a de nombreux
atouts et mérite d’être mise en valeur ; le chômage important et l’orpaillage illégal contribuent au sentiment d’insécurité qui est palpable dans la
population des villes.
On en repart avec une bouteille de
« La belle Cabresse ».
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